La république est établie, même si ce n’est qu’à une voix de majorité. La République de 1848, dessinée par Barre, va disparaître.
On ne veut plus de Cérès qui orne les vignettes postales. Cette République qui a traversé les régimes, la guerre, a fait son temps. D’abord, les chiffres de la valeur étant tout petits sont presque illisibles. On s’éclaire encore avec des lampes à pétrole dans les campagnes, seuls les plus fortunés disposent de l’éclairage au gaz.
Ensuite, il faut changer. La France a changé, les monarchistes ne sont plus dangereux, les bonapartistes ne peuvent rien, les révolutionnaires sont matés, l’ordre républicain et bourgeois règne. La France doit reconstruire, restaurer les finances publiques mises à mal par la guerre de 1870, la Commune et par l’importante indemnité payée aux Prussiens. « La France est pauvre, les Français sont riches ». Avec l’expansion économique, les expéditions militaires outre-mer portent leurs fruits, on commerce avec les cinq parties du monde. Bref il faut changer.
Ce changement est aussi demandé par l’administration des Postes, qui veut un nouveau timbre-poste, beau, moderne, lisible, coûtant moins cher à fabriquer, le nombre des lettres ne cessant d’augmenter et par conséquent le nombre de timbres à utiliser. De plus, la France vient de signer, le 9 octobre 1874 à Berne, le traité qui constitue l’Union générale des Postes, avec vingt et un autres pays. Il faut un timbre actuel pour représenter la France.
Par ailleurs la commission des Monnaies et Médailles, qui est chargée depuis 1848 de la fabrication des timbres-poste, ne supporte plus Anatole Hulot, directeur de cette fabrication. Celui-ci s’est fâché avec Désiré-Albert Barre, graveur général des Monnaies, personnage important et respecté. De plus, Hulot met une très mauvaise volonté à répondre aux demandes de la commission ou de l’Administration, il lui faut des mois, voire des années, pour obtempérer aux requêtes de celles-ci. Déjà son comportement n’avait guère été apprécié en diverses occasions, comme lors d’une commande de la Grèce, qu’il avait refusée et qui avait été assurée pour son compte personnel par Barre, ou lors des réticences nombreuses à donner ses « secrets de fabrication ».
En 1872, une commission se réunit, à la demande de l’Administration, afin d’étudier la possibilité de réaliser des économies substantielles dans la fabrication des timbres. Hulot est payé en fonction des quantités imprimées, avec un tarif dégressif, mais qui lui procure des revenus plus que conséquents. 11 a fait fortune et se considère comme irremplaçable. Il sera donc remplacé. La commission a conclu que l’Etat devait être son propre imprimeur.
Léon Say, le ministre des Finances, signe, le 5 juillet 1875, un traité avec la Banque de France, qui dépend de son ministère, afin quelle imprime les timbres-poste français dans des locaux dont elle dispose, rue de Hauteville à Paris et qui sont sous-employés. Ses ouvriers sont qualifiés, ils ont l’habitude des procédures de sécurité. Il y a quelques détails qui donnent lieu à des discussions pointues, mais le problème est résolu. L’Administration paiera à leur prix réel les timbres imprimés, ce sera une importante économie. Hulot perçoit 60 centimes par 1 000 timbres pour les 500 premiers millions et 50 centimes par 1 000 timbres au-dessus de 500 millions. La Banque de France propose donc un prix forfaitaire de 47 centimes par 1 000 timbres pour une quantité annuelle de 600 millions. L'économie est déjà importante, mais en demandant l’impression en régie, c’est-à-dire en prenant à sa charge tous les risques, l’administration des Postes va diminuer considérablement le prix quelle paie. En 1876, y compris les frais de premier établissement, les timbres lui coûtent 58,7 centimes le mille, en 1880 il descendra le coût à 31,9 centimes le mille pour atteindre 26,9 centimes en 1883.
Il est donc décidé de donner congé à M. Hulot pour le 1er janvier 1876, la Banque de France ayant estimé les délais nécessaires à la mise en fabrication et à la constitution des stocks. L’estimation est malheureuse puisqu’il faut demander à Hulot de continuer jusqu’en juin 1876. On imprime, à cette date, des timbres de modèles différents dans deux imprimeries différentes.